Le rapport Meadows

Le rapport Meadows

« Les Limites à la Croissance (dans un monde fini) » (Meadows et al., 2012) est la version française d’un rapport demandé à une équipe de chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) par le groupe de réflexion le Club de Rome. Publié en 1972 sous le titre « The Limits to Growth » il a été plusieurs fois mis à jour, la dernière édition étant « The 30-years update » et celle utilisée ici.

Ce livre, qui prédit que notre civilisation

s’effondrerait durant ce siècle, a été critiqué comme fantasme de la fin du monde depuis sa publication. En 2009, le soi-disant expert en environnement Bjorn Lomborg l’a même jeté à la « poubelle de l’histoire ». Cependant, quatre décennies après la publication originale du livre, les prévisions du « fameux rapport Meadows » ont été confirmées par de nouvelles recherches. L’Université de Melbourne (Turner, 2014) ont révélé avec 40 ans de recul que les prévisions du livre sont précises. Si nous continuons à suivre la ligne principale du scénario du livre (en anglais « Business-as-usual »), il faut s’attendre à ce que les premiers stades de l’effondrement global apparaissent rapidement.

Les chercheurs du MIT, dirigés par Donella et Dennis Meadows, ont construit un modèle informatique pour suivre l’économie et l’environnement dans le monde. Appelé World3, ce modèle d’ordinateur était à la pointe de la technologie dans les années 1970. La tâche était très ambitieuse. L’équipe a recencé l’industrialisation, la population, la nourriture, l’utilisation des ressources et la pollution. Ils ont modélisé les données jusqu’en 1970, puis ont développé une gamme de scénarios jusqu’à 2100, selon que l’humanité a pris ou non de sérieuses actions sur les problèmes environnementaux et de ressources. Si cela ne se produisait pas, le modèle prévoyait un « dépassement et effondrement » avant 2070.

Le point central du livre, très critiqué depuis, est que « la terre est finie » (par opposition à « infinie ») et donc que la recherche d’une croissance illimitée de la population, des biens matériels, etc., entraînerait un crash. Pour tenter de vérifier la justesse des prédictions du rapport Meadows, Turner a rassemblé des données de l’ONU (plus précisément du département des affaires économiques et sociales, de l’Unesco, de l’organisation agroalimentaire et de l’Annuaire des Nations Unies). Ces données ont été tracées pour être ensuite mises en parallèle avec les scénarios du rapport Meadows. Les résultats montrent que le monde suit de très près le scénario “standard” (devenu dans les éditions ultérieures « point de repère ») (Meadows et al. 2012, 247) mais ne correspond pas aux 9 autres scénarios envisagés par les auteurs.

Comme l’ont expliqué les chercheurs du MIT en 1972, dans leur scénario « standard », la population croissante et les demandes de richesses matérielles conduiraient à une production industrielle et à une pollution accrues. Les graphiques de l’institut de Melbourne montrent que cela se produit effectivement : les ressources sont utilisées à un rythme rapide, la pollution augmente, la production industrielle, les aliments par habitant et la population augmentent.

Jusqu’à présent, « Les Limites à la Croissance » correspondent à la réalité, mais qu’en est-il des années à venir ? Selon le livre, pour alimenter la croissance continue de la production industrielle, il doit y avoir une utilisation croissante des ressources. Mais les ressources deviennent plus coûteuses à obtenir lorsqu’elles sont utilisées et, comme de plus en plus de capital est destiné à l’extraction des ressources, la production industrielle par habitant commence à tomber.

Au fur et à mesure que la pollution augmente et que les intrants industriels dans l’agriculture diminuent, la production alimentaire par habitant diminue. Santé et services d’éducation sont réduits, le tout provoquant une augmentation du taux de mortalité à partir d’environ 2020. La population mondiale commence alors à tomber d’environ un demi-milliard de personnes par décennie à partir de 2030. Les conditions de vie tombent à des niveaux similaires au début des années 1900.

Donella et Dennis Meadows estiment que ce sont essentiellement les contraintes en termes de ressources qui provoquent un effondrement global, ils tiennent néanmoins compte des retombées causées par la pollution croissante, y compris le changement climatique. En effet, le rapport prévoyait que les émissions de dioxyde de carbone auraient un « effet climatologique » par le biais du « réchauffement de l’atmosphère ».

Graphiques à l’appui, l’étude de l’Université de Melbourne n’a pas trouvé de preuve d’effondrement dès 2010 (bien que la croissance ait déjà été bloquée dans certaines régions). Mais dans “Les Limites à la Croissance ”, ces effets ne commencent à se faire sentir que vers 2015-2030. Et les premiers stades de déclin ont déjà commencés. La crise financière mondiale de 2007-2008 et le malaise économique en cours peuvent être un prévenant des retombées des contraintes en matière de ressources. La poursuite de la richesse matérielle a contribué à des niveaux de dette insoutenables, avec des prix soudainement plus élevés pour la nourriture et le pétrole.

La question du pétrole est essentielle. De nombreux chercheurs indépendants concluent que la production de pétrole conventionnel « facile » a déjà atteint son apogée. Le pic de pétrole pourrait être le catalyseur de l’effondrement global. Certains voient de nouvelles sources de combustibles fossiles, comme l’huile et le gaz de schiste, comme sauveurs, mais la question est de savoir à quelle vitesse ces ressources peuvent être extraites, pour combien de temps et surtout à quel prix.

Aucune recherche, y compris les chercheurs du MIT à la fin des Trente Glorieuses, n’indique que l’effondrement de l’économie mondiale, de l’environnement et de la population est une certitude. Des guerres pourraient éclater, de même qu’une gouvernance environnementale mondiale, qui tout deux pourraient affecter considérablement la trajectoire. Mais ces résultats devraient tout de même tirer une sonnette d’alarme. Il semble peu probable que la recherche d’une croissance toujours croissante puisse continuer à être débridée jusqu’en 2100 sans causer de graves effets négatifs – et ces effets pourraient venir plus tôt que ce que nous pensons.

Il est peut-être trop tard pour convaincre les politiciens du monde et les élites riches de tracer un chemin différent. Donc, pour le reste d’entre nous, il est peut-être temps de réfléchir à la façon dont nous nous protégeons alors que nous nous dirigeons vers un avenir incertain.

Pour conclure, « Les Limites à la Croissance (dans un monde fini) » est un ouvrage clé pour qui cherche à comprendre l’état du monde actuel. En effet, si les tendances actuelles de la croissance de la population mondiale, de l’industrialisation, de la pollution, de la production alimentaire et de l’épuisement des ressources demeurent inchangées, les limites de la croissance sur cette planète seront atteintes au cours des cent prochaines années. Le résultat le plus probable semble être un déclin plutôt soudain et incontrôlable de la population et de la capacité industrielle, autrement dit un effondrement.

Bibliographie

Lomborg, Bjorn (2009) « The Dustbin of History: Limits to Growth », Foreign Policy, http://foreignpolicy.com/2009/11/09/the-dustbin-of-history-limits-to-growth/

Meadows, Donella; Meadows, Dennis; Randers, Jorgen (2012) Les Limites à la Croissance (dans un Monde Fini), éd. Rue de l’Echiquier.

Turner, Graham (2014) “Is Global Collapse Imminent? An Updated Comparison of The Limits to Growth with Historical Data”, MSSI Research Paper n°4, Melbourne Sustainable Society Institute, The University of Melbourne, http://sustainable.unimelb.edu.au/sites/default/files/docs/MSSI-ResearchPaper-4_Turner_2014.pdf

– Elinor –

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