Critique de livre : James Lovelock (2007) La Revanche de Gaïa

Cet essai de vulgarisation scientifique est le quatrième ouvrage d’une série consacrée à l’hypothèse puis la théorie Gaïa. Dans cet ouvrage, l’auteur britannique explique comment la Terre est susceptible de réagir violemment à la pression anthropique et ajoute des remarques personnelles sur la politique à mener pour le préserver de cette crise (même si sa vision de l’énergie nucléaire comme « moindre mal » interpelle). Son pessimisme l’incite donc a considérer la décroissance démographique et économique comme unique « retrait soutenable ».

L’auteur américain de science-fiction Robert Sheckley raconte dans La Montagne sans Nom (1955) l’histoire d’un groupe de colons qui atterrit sur une planète éloignée. Alors ils commencent à niveler les montagnes, changer l’atmosphère et labourer des endroits sauvages pour créer de nouvelles maisons pour l’humanité. Ensuite, les choses tournent mal : la terre s’élève et avale les machines à labourer, des tempêtes détruisent les cultures chimiques, les volcans entrent en éruption. Les colons paniqués contactent donc la Terre, seulement pour trouver leur monde d’origine, et toutes les autres planètes que l’humanité a colonisées, également assaillies. La nature a subi suffisamment d’indignités et l’humanité est donc confrontée à une sorte d’expulsion.

Sheckley était un satiriste de science-fiction et son récit était simplement considéré comme une blague. Pourtant, les images de ces colons étaient continuellement présentes durant la lecture du dernier diagnostic de James Lovelock sur l’état de la planète Terre. En effet, tout comme ces colons de science-fiction, l’humanité est sur le point d’atteindre un seuil, un point de non-retour. Le dioxyde de carbone est présent dans l’atmosphère à des taux tels qu’un basculement pourrait avoir lieu dans environ une décennie et les températures globales monteraient brusquement en flèche.

Selon le principe de rétroaction positive, Lovelock liste 6 aspects où la Terre ne contrebalance pas un phénomène mais le renforce d’avantage, que ce soit dans un cercle vicieux ou vertueux. Par exemple, la calotte glacière est en train de disparaître et, sans sa réflexion pour renvoyer les rayons du Soleil, les températures augmenteront encore plus vite. Le méthane et le dioxyde de carbone, actuellement piégés dans la toundra congelée, seront ensuite relâchés, ce qui entraînera un réchauffement ultérieur. Des dizaines d’autres cycles de rétroaction, positive comme négative, seront perturbés. Notre planète brûlera et, avec elle, la civilisation. L’humanité, retournée à l’état primitif, rentrera dans un mode de survie.

Dans un style biblique et prédicateur Lovelock assure que les humains, ces pécheurs écologiques, sont tous condamnés. Une telle rhétorique, maintenue dans tout le livre, pourrait tenter l’interprétation fictive, si ce n’était pas aussi terriblement convaincant et effrayant dans ses implications. Après tout, Lovelock est l’un des écologistes anglais les plus distingués et spécialiste de la science de l’atmosphère. Nous devrions donc prendre note de ses paroles, même si sa vision du future est quelque peu apocalyptique.

Lovelock est particulièrement réputé pour son développement, avec la biologiste Lynn Margulis, au début des années 1970 de l’idée de Gaïa comme « système auto-régulé et évolutif, associant étroitement l’ensemble des êtres vivants, les roches de surface, l’océan et l’atmosphère » (p. 232). Selon la théorie, toutes choses vivantes, des algues aux éléphants, sont verrouillées dans des cycles autorégulateurs de reproduction et de comportement qui optimisent les conditions de la subsistance de la vie. Ou comme Lovelock le dit : « La vie sur Terre maintenait activement à la surface du globe des conditions favorables à l’ensemble des organismes vivants » (p. 230).

Le concept de Gaïa a d’abord été accueilli avec scepticisme par des chercheurs qui pensaient que ce terme considérait la Terre uniquement comme une entité vivante. En effet, beaucoup d’écologistes pensent toujours (à tort) de Gaïa de cette façon simpliste. En fait, une meilleure analogie est celle d’une vanne autorégulatrice géante, comme celles utilisées par les ingénieurs pour contrôler les sorties de la machine. Utilisée de cette façon, l’idée a continué d’aider les scientifiques à affiner leurs prédictions, en particulier sur les changements climatiques. Malheureusement, tout comme nous sommes venus à accepter la notion, il est devenu évident que nous traitons toujours Gaïa si mal qu’elle atteint lentement mais sûrement ses limites. Bientôt, elle passera au mode chaud, comme cela s’est passé auparavant, et après son rétablissement, les travaux des humains seront transformés en poussière.

Pour conclure cette courte critique littéraire, un tel avenir n’est cependant pas inévitable. Lovelock s’efforce de proposer des voies d’évacuation, le plus controversé en appelant à l’expansion rapide des programmes d’énergie nucléaire, selon lui le seul type d’énergie à grande échelle qui ne génère pas de carbone et que nous possédons déjà. Cette proposition est particulièrement douteuse car l’extraction de l’uranium, toujours plus rare, est de plus en plus énergivore. En revanche, il s’attaque au développement durable et particulièrement l’énergie éolienne, ainsi qu’aux nouvelles technologies qui alimentent un mode de vie utopique. Mais compte tenu de la lenteur à laquelle nous faisons face au désastre, le but du protocole de Kyoto était, comme il le dit, un moyen de « gagner du temps » (p.23). L’humanité étant une infestation qui a détruit la Terre, nous allons bientôt devoir lui rendre des comptes.

Bibliographie

James Lovelock (2007) La Revanche de Gaïa : Préserver la planète avant qu’elle ne nous détruise, Flammarion.

Robert Sheckley (2015) La Montagne Sans Nom, Le Passager Clandestin.

– Elinor –

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